Grenoble Ecole de Management organisait le 14 mai ses premiers Trophées de la Paix économique, pour valoriser le déploiement de projets axés sur le bien-être au travail et l’innovation dans les relations entreprises — structures publiques — société. 75 entreprises, collectivités, associations françaises et étrangères ont déposé une candidature, et 10 ont été récompensées. L’article ci-dessous présente le projet de APF Industrie, lauréate ex aequo dans la catégorie Développement des relations et des styles de management, pour les organisations de 250 à 5000 salariés.
Pour échapper aux aléas des activités traditionnelles du secteur adapté, le site APF Industrie de Grenoble évolue vers des prestations à valeur ajoutée dans le cadre d’un plan de transformation. Parmi ses priorités : aider tous ses salariés, souvent en situation de handicap moteur ou associé, à s’approprier les technologies numériques.
Non, les entreprises du secteur adapté ne sont pas confinées à des métiers comme la blanchisserie, l’entretien d’espaces verts ou le transport de personnes. La preuve : le site APF Industrie d’Échirolles (banlieue de Grenoble), qui compte plus de 80 % de collaborateurs en situation de handicap, assure le SAV de matériel médical, teste des smartphones défectueux ou gère de la conciergerie d’entreprise.
Deux tiers de salariés démunis face aux outils numériques
Valérie Dodge, sa directrice, ne compte pas s’arrêter là : « nos métiers traditionnels relèvent de la sous-traitance et connaissent d’importantes fluctuations d’activité. Il nous arrive d’être en chômage technique. Avec ces nouveaux métiers à plus forte valeur ajoutée, nous accédons à des volumes réguliers qui stabilisent l’entreprise, motivent les équipes et les rassurent pour l’avenir. »
Mais son plan de transformation présente une faiblesse : sur les 150 salariés, une centaine sont en délicatesse avec les outils numériques. Ceux qui nettoient des bureaux ne peuvent pas renseigner leur heure d’arrivée et de départ sur un planning informatisé. Ceux qui entretiennent les vélos des postiers notent les réparations effectuées sur papier, mais pas sur un formulaire en ligne.
« Nous sommes pénalisés sur nos activités historiques et nous allons être freinés dans nos projets d’évolution. Pour autant, nous ne voulons surtout pas devenir une entreprise à deux vitesses » souligne la dirigeante.
Difficile de trouver des formations au numérique adaptées
Celle-ci a déjà investi beaucoup de temps pour chercher des formations adaptées à son public. Sans grand succès, malheureusement : les prestataires locaux ne proposent pas de cursus pertinents et le e-learning, très en vogue aujourd’hui, ne convient évidemment pas à des personnes éloignées du numérique. « Il faut les aider à changer de posture, et pas seulement à acquérir des connaissances ; elles ont peur de l’informatique et manquent cruellement de confiance en elles face à cet outil. »
Valérie Dodge a donc reporté ses efforts sur une solution interne, tout en s’assurant du soutien financier de Pôle Emploi. L’un de ses encadrants va être nommé référent pour la digitalisation et y consacrera 40 % de son temps. Il sera chargé de structurer une démarche, avec des réunions transversales, de la réflexion en comité d’établissement, un séminaire d’entreprise, etc. L’obtention d’un Trophée de la paix économique ajoute une pierre à l’édifice : il est assorti d’un accompagnement de deux ans mené par des intervenants de Grenoble École de Management.
Déjà des effets sur le climat interne
À plus long terme, APF Industrie veillera aussi à recruter des salariés plus jeunes, très à l’aise avec le numérique. « Les générations Y ou Z qui travaillent déjà chez nous discutent avec leurs collègues, leur expliquent comment utiliser la tablette ou naviguer sur internet. L’effet de contagion est très naturel. »
On l’aura compris, le projet de transformation digitale d’APF Industrie est encore dans les starting-blocks. Pourtant, le seul fait d’affirmer cette volonté « d’embarquer » tout l’effectif a eu un impact spectaculaire sur le climat interne. « Nos salariés ont eu pour la plupart un parcours compliqué et une carrière à trous. Ils sont en difficulté pour la moindre démarche personnelle car le passage par l’ordinateur est devenu la règle. Savoir que leur employeur leur ménage une place dans ses projets à long terme les rassure et les motive, tout simplement. »
Les points forts du projet
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