Rachel Sénéclauze, Enseignante au Lycée Pierre Termier, Grenoble
11 octobre 2010
Quand on évoque le désir de sortir du système actuel de la guerre économique, c’est souvent avant tout un changement de système social à grande échelle que l’on envisage pour y parvenir. Cela impliquerait, nous disons - nous, de changer nos représentations, de cesser d’appréhender les relations humaines, sociales et économiques en termes de rapport de force et d’inventer un nouveau mode de coopération, moins individualiste, plus humain. Rééduquer, reconvertir, redéfinir, remodeler, repenser, tel serait le programme de formation type pour une éducation à la paix économique. L’altruisme devrait prendre le pas sur l’égoïsme, la coopération sur la compétition effrénée, le goût du bel ouvrage sur l’efficience productiviste, le raisonnable sur le rationnel, etc…
Le problème, nous réplique-t-on, c’est qu’il s’agit là d’une belle utopie à laquelle on voudrait croire mais qui fait figure d’angélisme au regard de la réalité telle qu’elle est. Ainsi évoquera-t-on la systémique des valeurs actuelles qui sont suscitées et stimulées par un système qu’en retour, elles contribuent à renforcer. Autrement dit, à échelle collective, globale, le changement équivaut à un vœu pieux tant la tâche parait incommensurable et difficile. Ainsi l’éducation à la paix économique pourrait- elle discréditée car assimilée à un concept forgé par des intellectuels totalement déconnectés de la vraie vie et totalement ignorants des rouages réels de l’entreprise…
Mais ce raisonnement revient, si l’on s’y attarde, à confondre les moyens et la fin. Sous prétexte que les moyens à mettre en œuvre pour changer de paradigmes sont inenvisageables à l’échelle d’une société, on classe la finalité dans le registre des utopies bien pensantes. Or, il s’agit là d’une erreur méthodologique : peut- être est- ce la manière d’envisager les moyens qu’il faut repenser. En effet, c’est peut- être en commençant humblement à l’échelle individuelle que l’on pourra instiller un nouveau rapport à l’autre, au monde, aux objets. C’est en commençant par remodeler notre éthique individuelle et en s’efforçant d’être en paix avec nous- mêmes que l’on pourra instiller, dans nos relations, un nouveau mode d’être.
Que représenterait pour moi le choix d’une éthique personnelle différente ? Quelles valeurs dois- je mettre au centre de ma vie pour préparer le terreau d’un nouveau rapport aux autres et au monde ? Si éduquer, c’est conduire l’autre vers… d’où me faut-il partir ? Si éduquer, c’est s’appuyer sur le désir de grandir d’autrui, sur quelles bases personnelles ferais-je reposer cette transmission pour qu’elle soit crédible et enviable aux yeux des autres ?
Telles sont, me semble-t-il, les questions préalables à une réflexion sur les fondements d’une éducation à la paix économique afin que ce concept s’impose tout naturellement dans nos imaginaires jusqu’à coloniser celui de la société parce qu’il s’appuiera sur un vécu possible et tangible et non sur des élucubrations d’intellectuels en mal de concepts nouveaux.