Karine Gatelier, Enseignant-Chercheur à Grenoble École de Management - Management et Comportement.

17 décembre 2010

L’économie peut aussi être définie comme un faisceau d’échanges qui, au-delà de la matière échangée, produit du social. En échangeant, on se relie à l’autre ; on pose une relation à l’autre. Echanger, du point de vue économique, c’est donc aussi une sociabilité. La nature de ce lien social, varie et présente toutes les variantes imaginables entre un lien social établi et renforcé et au contraire, un lien maltraité voire rompu. Cet ensemble de relations, et les contextes qui leur sont associés, nous permettront in fine de poser le lien social comme un besoin de l’homme ; l’économie comme un des vecteurs de celui-ci ; et la recherche d’une économie apaisée comme prémisse à la paix économique.

La société occidentale contemporaine offre plusieurs exemples du besoin actuel de restauration ou de consolidation du lien social. L’analyse de quelques pratiques du don dans les sociétés traditionnelles nous aide à comprendre les fonctions sociales qu’elles remplissent, et de là, les besoins ou les manques de nos sociétés, dans l’économie telle qu’elle est organisée aujourd’hui :

• Les biens de subsistance sont exclus des mécanismes de compétition, auxquels ne participent que les biens précieux ;
• Les pratiques de don fabriquent du prestige, et donc de la différenciation sociale ;
• Le don implique un contre-don, sinon le risque encouru est celui de la désocialisation ;
• Le don suppose une réciprocité infaillible (sans-contre don, apparaît le risque de d’exclusion sociale) mais pas forcément une symétrie : en ne rendant pas autant, on s’affirme inférieur mais non exclu ou marginalisé. Ainsi le delta entre le don et le contre-don permet la différenciation sociale ;
• Les pratiques de don, en posant des hiérarchies de pouvoir dans les sociétés – je suis le plus fort parce que je peux donner le plus – endossent la fonction sociale d’ordonner de la société ;
• Elles évitent des affrontements violents, les rapports de force passant par ces échanges ;
• Elles fondent des communautés.

Le don n’a pas de place dans les échanges marchands – n’en a-t-il pour autant pas de place dans notre société ? la question reste posée. En tout état de cause, ce que les pratiques de don dans les sociétés étudiées par les anthropologues nous apprennent des fonctions sociales de nos relations économiques garde une grande pertinence pour comprendre les malaises voire les crises ou les conflits que génèrent notre économie, et agir dessus.