Grenoble Ecole de Management organisait le 14 mai ses premiers Trophées de la Paix économique, pour valoriser le déploiement de projets axés sur le bien-être au travail et l’innovation dans les relations entreprises — structures publiques — société. 75 entreprises, collectivités, associations françaises et étrangères ont déposé une candidature, et 10 ont été récompensées. L’article ci-dessous présente le projet de la ville de Kingersheim, lauréate dans la catégorie Développement de la personne, pour les organisations de 1 à 249 salariés
Ouvrir aux agents municipaux des formations à la méditation pleine conscience, pour créer un climat de paix intérieure et de bienveillance qui diffusera vers toute la commune. C’est la démarche de la ville de Kingersheim, près de Mulhouse, dont 50 agents ont déjà suivi un cycle de huit semaines animé par un formateur interne.
À Kingersheim comme ailleurs, la bienveillance ne tombe pas du ciel. Jo Spiegel, maire de cette commune alsacienne, s’est attaché depuis des décennies à en faire une ville pionnière de la démocratie participative. Il ne « fait pas tout seul », mais associe les citoyens aux décisions importantes, dans des conseils participatifs qui ont mobilisé au total 1000 habitants en dix ans. En 2018 encore, des réunions de quartier en ont rassemblé 350 pour constituer un cahier de doléances et un « cahier de bienveillance » sur leurs motifs de satisfaction. La qualité du service public et l’accessibilité des élus y figurent en première place.
Des liens apaisés mais pas d’objectif de performance
C’est sur ce terreau fertile qu’est né le projet de formation des agents municipaux à la méditation pleine conscience. Franck Plüss, responsable du service culturel et lui-même méditant et formateur, a proposé à tous des séances hebdomadaires de deux heures pendant huit semaines.
« La méditation aide à se reconnecter à son intériorité et à devenir plus bienveillant envers soi-même. C’est une première étape pour tisser des liens apaisés avec les collègues, les usagers et l’entourage ». En revanche, l’objectif n’était pas de faire de la formation « productive » pour rendre les agents plus performants. « J’avais clairement fixé cette règle avec le maire ».
Au départ, il y a eu à la fois de la demande, voire une adhésion franche, mais aussi des réticences. Certains estimaient que ces cours pendant le temps de travail gênaient le fonctionnement collectif. D’autres percevaient la pleine conscience comme ésotérique, religieuse, hippie ou bobo.
Un premier cycle de 16 personnes a démarré à l’automne 2017. Puis un deuxième, un troisième, un quatrième. Mi-2019, une cinquantaine d’agents de cette commune qui en compte 160 avaient suivi les huit semaines de cours. « Ce serait plus simple sans les contraintes d’horaires, estime Franck Plüss. Les équipes d’entretien travaillent tôt le matin et tard le soir, les policiers peuvent être appelés à tout moment, etc. »
« Les relations au sein de la mairie sont devenues plus bienveillantes »
Pourquoi cet engouement ? Parce que les premiers agents formés ont constaté qu’ils dormaient mieux, qu’ils géraient plus facilement leurs émotions, qu’ils avaient plus de recul face aux petits tracas quotidiens… et que leurs collègues s’en sont rendu compte ! Pour d’autres, c’est le conseil du médecin de famille qui a joué. « De mon côté, j’observe que les relations au sein de la mairie sont devenues plus détendues, plus bienveillantes. Si un conflit survient, il est traité davantage par le dialogue que dans la tension. »
Franck Plüss, qui a hérité d’un titre « d’happy-culteur », a aussi créé des vidéos courtes sur la méditation qu’il met en ligne sur l’intranet municipal. Autre initiative, la constitution d’un fonds d’une trentaine de livres sur la méditation à la médiathèque communale, ouverte à tous. Autre projet encore, un « forum ouvert » pour les agents à la rentrée 2019, afin d’échanger sur le sens de leur travail et leurs difficultés avec des outils d’intelligence collective.
« Je manque de temps pour tout mener, reconnaît Franck Plüss. J’espère disposer un jour d’un budget pour financer des formateurs extérieurs et des conférenciers réputés, pour offrir des enseignements solides et de qualité » Les habitants et les employés sont demandeurs, de même que plusieurs communes ou intercommunalités voisines qui à leur tour, envisagent de créer une fonction d’happy-culteur.
Les points forts du projet
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