La dernière vague d’indicateurs de l’ONG Positive Planet indique des voies de progrès pour les États et les entreprises vers une économie plus positive.
Des critères socio-économiques variés et complémentaires
Visant à accompagner les acteurs économiques dans leur « transformation positive », l’indice de positivité se veut un dispositif favorisant le progrès. Quelque 29 critères socio-économiques sont ainsi observés comme autant de directions complémentaires sur lesquelles des actions concrètes sont suggérées. Ces critères, allant du poids des intérêts de la dette publique par rapport aux recettes de l’État à la qualité de l’eau, en passant par le pourcentage de femmes au parlement (pour ne citer que quelques exemples) sont regroupés en trois axes visant à évaluer :
- l’altruisme entre acteurs ;
- l’altruisme entre territoires ;
- et l’altruisme entre générations.
Qualitatifs et pertinents, les critères retenus s’avèrent également relativement facilement mesurables, ce qui rend l’indice particulièrement utile et utilisable dès lors que des progrès sont réellement visés.
Engagements encore insuffisants de certaines nations
Les résultats 2018 de l’indice de positivité des nations permettent de distinguer trois grands groupes de pays :
1. Le premier se caractérise par la mise en œuvre d’une croissance réellement et de plus en plus tournée vers les générations futures. Il se compose des « pays du Nord » comme la Norvège, l’Islande, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande, mais aussi la Suisse. Dans chacun de ces pays, des progrès restent bien entendu possibles, mais c’est bien en provenance de ces derniers que de bonnes pratiques peuvent être importées.
La « positivité entre générations » y est en particulier nourrie par des performances remarquables en matière d’éducation positive (C’est particulièrement vrai concernant l’insertion des jeunes, mais aussi l’attitude des professeurs envers les élèves ou l’efficacité de l’école pour préparer à la vie adulte). Le système éducatif français demeure, à la vue de ces résultats, très perfectible comme nous l’évoquions récemment dans ces colonnes.
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Dans les « pays du Nord », c’est également l’« altruisme entre acteurs » qui est à l’origine des bonnes performances mesurées par l’indice de positivité. La santé, la croissance ou encore la qualité des institutions (autant de critères mesurés) contribuent à la valorisation de cette mesure. L’utilisation de la manne pétrolière à des fins de financement des retraites en Norvège constitue certes une pratique difficile à importer, mais de véritables leviers existent pour réduire les inégalités de revenus ou améliorer le taux de participation aux élections par exemple, autres critères de ce groupe sur lesquels la notation de la France a tendance à décliner.
2. Un deuxième groupe est constitué des pays qui, en général, ont entrepris des efforts en direction du développement d’une économie positive, mais qui conservent de grandes marges de progrès. Il se compose de pays comme l’Espagne, l’Autriche, les États-Unis, ainsi que la France, dont le cas est particulièrement intéressant. C’est sur le seul groupe de critères centrés sur « l’altruisme entre générations » que la France progresse. C’était d’ailleurs là où son « score » était le plus faible les années précédentes. Le pourcentage de femmes au parlement ou la part d’investissement dans le PIB sont les critères qui participent le plus de cette progression.
3. Enfin, plusieurs pays, comme la Grèce, le Mexique, la Hongrie et la Turquie forment le groupe des nations dans lesquelles la croissance se fait clairement au détriment des générations futures. Ces pays présentent des configurations très différentes mais ont tous tendance à sacrifier la durabilité de la croissance ou simplement de leur modèle social (charge de la dette très importante pour les générations à venir) pour privilégier l’activité à court terme, activité souvent (trop) impactante pour l’environnement et la santé (en raison notamment de la pollution générée).
Les entreprises apparaissent de plus en plus impliquées
Depuis 2015, Positive Planet a enrichi son analyse d’un indice de positivité des entreprises (notamment celles du CAC 40), qui repose sur 35 indicateurs : l’entretien de conditions de travail positives, la promotion d’un partage positif de la valeur produite par l’entreprise, la réduction de l’impact direct et indirect des activités (à entendre au sens de l’impact négatif, notamment sur l’environnement), le développement des connaissances et des compétences visant à assurer aux générations futures un progrès positif ou encore la définition et le partage d’une vision stratégique positive de long terme sont les grands axes à partir desquels les 35 critères sont ici déclinés.
La Société Générale, Kering et Michelin y occupent ainsi les premières places. La Société Générale, leader du classement, apparaît particulièrement vertueuse en termes de relations avec ses fournisseurs, ce que confirme l’obtention récente par la banque, pionnière en la matière, du Label RFAR (relations fournisseurs et achats responsables). Le développement de relations équilibrées avec les fournisseurs constitue un point révélateur de l’engagement des organisations pour une économie positive et la cohérence avec les évolutions en interne est en général forte.
Si cet indice a été imaginé au départ pour les grandes entreprises, il peut-être donc être également utile aux plus petites, des ETI aux start-up. Espérons à présent qu’elles s’en saisissent pour développer une économie positive et prendre le relais de pouvoirs publics qui ne sauraient assurer à eux-seuls l’intégralité de cette responsabilité.
Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.