« Devenir l’entreprise préférée de nos collaborateurs, clients et fournisseurs d’ici 2022 », tel est le projet d’entreprise de La Boîte à Outils qui fédère 1 800 salariés et 37 magasins, en France. Jean-Jacques Chabanis, président, et Frédéric Dufau-Joël, directeur des systèmes d’informations & méthodes, nous livrent quelques (bonnes) raisons de miser sur l’alliance de la rentabilité et du bien-être en entreprise. Entretien.
La Boîte à Outils est l’un des onze partenaires de la Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique, qui organise le 15 mai prochain à Grenoble Ecole de Management une conférence sur le thème : Profits et épanouissement en entreprise : mission impossible ? avec Jean-Jacques Chabanis pour intervenant (voir encadré).
Jean-Jacques Chabanis | Frédéric Dufau-Joël |
Selon vous, quels sont les prérequis à l’alliance du bien-être et des profits en entreprise ?
Il faut tout d’abord être dans une entreprise où les actionnaires acceptent la prise de risque. La Boîte à Outils est filiale du groupe Samse, qui a eu la délicatesse de nous laisser la main. Il faut ensuite détenir une vraie conviction sur ces sujets. Il faut bien sûr réaliser des profits, avec une belle base de résultats historiques. Et, savoir se détacher de l’argent : les gains ne doivent pas être une fin en soi. Il faut aussi accepter de dépenser/d’investir dans le recrutement et la formation, en particulier des collaborateurs peu qualifiés, ou venant en renfort ponctuel de nos équipes. Il faut enfin privilégier une vision de moyen terme (5 ans), et miser sur le fait que tous ces investissements, qui peuvent dégrader le résultat à court terme, permettront de le majorer à moyen terme.
Pouvez-dresser le panorama de l’actionnariat actuel et futur de La Boîte à Outils, et de ses enjeux ?
Samse est un groupe franco-français, familial à l’origine, qui compte 6 000 collaborateurs et réalise 1,5 milliards d’euros de chiffres d’affaires annuels. Au sein du groupe, La Boîte à Outils et l’activité Bricolage comptent 1 800 salariés et génèrent en moyenne 400 M€ de CA annuel. Son capital est détenu à 98 % par le groupe Samse. Ce dernier est lui-même propriétaire d’une société Holding « Dumont Investissement » dans laquelle familles fondatrices, personnes physiques partenaires et tous les salariés se partagent la majorité. 28% du capital est détenu par le groupe irlandais CRH et le solde, 20% environ est en bourse.
En 2020, ce groupe irlandais deviendra l’actionnaire majoritaire, laissant 15% aux salariés. L’entreprise vit une transformation clé : 80 % de ses managers et de leurs équipes connaissent un bouleversement profond de leur cœur de métier avec l’apport des nouvelles technologies. Notre projet d’entreprise, « Devenir l’entreprise préférée de nos collaborateurs, clients et fournisseurs d’ici 2022 », formalisé en septembre 2016, accompagne cette dynamique de changement.
Pourquoi se poser la question d’une alliance entre l’épanouissement des hommes et la rentabilité ?
Cette question n’est pas nouvelle au sein de la BAO. Depuis 6 à 7 ans, la satisfaction de nos équipes et la satisfaction de nos clients sont des priorités. En appui, des questionnaires réguliers de mesure de la satisfaction, interne et externe, ont été bâtis, devenant un baromètre de référence du bien-être et de la satisfaction. Nous avons mis sur pied aussi un « Festival de la satisfaction chez les collaborateurs » dont il est ressorti, à l’époque, le manque de temps nécessaire pour satisfaire nos clients. Aussi, depuis 4 ou 5 ans, nous avons fait le pari d’inverser la tendance du « toujours plus », tant pour les budgets prévisionnels, le chiffre d’affaires que pour les résultats pour nous concentrer sur le facteur humain.
D’après votre expérience, quels étaient les effets induits par la culture du « toujours plus » ?
Le management exclusivement par le chiffre et le résultat génère l’ennui et le déplaisir au travail. Depuis 10 à 12 ans, déjà, certains managers de la BAO nous avaient alertés sur ses effets délétères. Etablir des projections, des lignes budgétaires et des lignes de conduite centralisées à 37 magasins, en France, est une aberration ! Surtout, la pression du chiffre, exercée sur les équipes, aboutit à établir des budgets en trompe-l’œil, à deux vitesses, et nuit à l’investissement – puisque cela impacte les résultats ! Bref, tout le monde jouait un jeu de dupe… Alors que privilégier le travail bien fait amène au mieux. Et le mieux amène le plus. Le « combien » se mesure aujourd’hui à la fin de l’année.
Quels sont aujourd’hui vos indicateurs de satisfaction ?
De façon informelle, cela se traduit par la liberté de parole, les partages d’expériences, des démarches agiles et collaboratives : chacun a appris à travailler avec les autres avec un haut niveau d’interaction, quel que soit son poste. De façon plus formelle, la mesure de la satisfaction s’appuie sur un questionnaire annuel, construit autour d’une quarantaine de questions. C’est important, car cela témoigne de l’intérêt de la direction. C’est aussi un système de veille et d’alerte qui permet de réagir. Aujourd’hui, nous avons créé une équipe dédiée de 10 personnes, qui élabore les process de transformation avec les 1 800 collaborateurs des 37 magasins, pilote et accompagne les projets de changement sur le terrain.
Avez-vous une zone d’inquiétude pour l’avenir ?
Les résultats de La Boîte à Outils sont là, et sont assurés pour les deux années à venir : des gains de parts de marché, une consolidation du taux de marge et un résultat courant qui n’a jamais été aussi bon et meilleur que l’année d’avant. En 2017, nous avons réalisé environ 400 M€ de CA, dont 5 % de résultat courant avant impôts, soit environ 20 M€. S’il existe une zone d’inquiétude, elle se situe du côté de l’évolution du commerce et de la place du digital, et son impact sur nos organisations. Notre conviction est que la meilleure façon de maîtriser notre avenir est d’être performant, et que la plus belle façon d’y parvenir est de continuer d’assurer la satisfaction de nos équipes, de nos clients et de nos fournisseurs afin qu’ils nous soient fidèles.
Voir aussi l'article : La Boîte à Outils privilegie une dynamique d'intelligence collective.
Profits et épanouissement en entreprise : mission impossible ?Le 15 mai prochain, à Grenoble Ecole de Management, la chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique organise une conférence sur le thème : Profits et épanouissement en entreprise : mission impossible ? A cette occasion, Jean-Jacques Chabanis, président de La Boîte à Outils, Dominique Steiler, titulaire de la chaire, et Marie Georges, associée Deloitte Développement Durable, qui accompagne des clients (grands comptes, ETI…) dans leur transition vers des business models plus durables, développeront les ressorts d’une alliance fructueuse entre le bien-être au travail et la rentabilité. La conférence est ouverte au public, entrée libre inscriptions obligatoires. |